La deuxième guerre d'Algérie



Les zones d'ombre de la tragédie des moines de Tibhirine enfin levées


         L'auteur, Yves Bonnet s’est retiré d’une vie active consacrée au service de l’Etat, comme préfet, et dans le cours de laquelle il a reçu la charge de diriger le contre-espionnage français (DST aujourd'hui DGSI), puis comme parlementaire. Il a donc vécu ce qu'il nous relate au coeur du pouvoir... et ses révélations ne sont pas toujours tendres...

Il y a vingt ans, alors que l’offensive du GIA visant à déstabiliser le gouvernement algérien s’essouffle, éclate la nouvelle d’un odieux attentat commis contre les moines du monastère de Tibhirine, puis, quelques jours plus tard, celle de l’assassinat de l’évêque d’Oran, Mgr Pierre Claverie. Par ces actions sans le moindre intérêt stratégique, les islamistes entendent porter un coup fatal aux relations entre l’Algérie et la France, vitales pour la jeune république. Il s’en faut de peu qu’ils ne parviennent à leurs fins, tant les atermoiements et les réticences françaises s’additionnent. La vérité s’impose cependant de l’entière culpabilité des maquis du GIA, non sans péripéties, et la raison prévaut.
           Du moins le croit-on. Car, une dizaine d’années plus tard, alors que l’enquête menée côté français conclut sans la moindre ambigüité à la seule culpabilité des terroristes, une plainte est déposée par deux familles (sur les sept intéressées), ainsi que par un religieux aux motivations obscures. Un juge en mal de notoriété la reprend à son compte, flanqué d’un avocat dont l’algérianophobie est le fonds de commerce.  On voit réapparaître des personnages troubles, un ancien agent d’un ancien ministre patron du SAC, des transfuges honteux des services algériens, des journalistes approximatifs, qui avancent la thèse d’une énorme bavure de l’armée algérienne. Ils ne reculent devant rien, calomnient, inventent, font parler les morts, accusent sans preuve ni vraisemblance. Les livres se succèdent, les reportages s’enchaînent, sans autre souci que de « faire de l’argent » d’un drame et du sacrifice des moines qui ne méritent pas tant de malhonnêteté ni de mauvaise foi.
             Yves Bonnet connaît bien l’Algérie. Il y a noué de solides amitiés et son sang ne fait qu’un tour de tant de vilenies dans un contexte où, comme tant d’autres, il ose le dialogue interreligieux entre chrétienté et islam. Il a vécu cette période, de près, en ami des services algériens, en parlementaire président du groupe d’amitié France-Algérie. Il reprend cependant le dossier comme s’il ne le connaissait pas, rencontre, interroge, consulte. Et restitue.
             Ce livre n’est pas un ouvrage complaisant, rapidement rédigé, lancé sur le marché comme un produit de consommation. Il resitue le drame dans son contexte, celui de la maturation lente et laborieuse d’une république laïque, dont les dirigeants commettent des fautes, oublient parfois leurs principes, pèchent par inexpérience. Mais qui se refusent avec la dernière énergie à perdre les acquis de leur révolution – même si le mot ne plaît pas aux Français – et qui ont, surtout, établi avec l’église catholique d’Algérie, leur église, un dialogue sans faux-semblants ni réticences.
            Les imposteurs y reçoivent leur châtiment, les naïfs leur rappel à la vraisemblance et les traitres au respect de ce qu’ils ont naguère adoré.  Par-dessus tout, les partenaires d’un dialogue vivant entre croyants et agnostiques y trouvent l’essence de leur communauté, celle de la quête de l’absolu au dessus des querelles humaines.

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